Tout le monde connaît Rolex, ou du moins croit la connaître. La manufacture suisse jadis créée par Hans Wilsdorf est la plus célèbre marque de luxe de la planète, selon le classement dévoilé chaque année par le Reputation Institute de Boston. Au point de supplanter de grands noms tels que Lego, Disney, Ferrari, Netflix et Microsoft. Comment l’expliquer ? « C’est le résultat d’à peu près cent ans de performances sans faille, estime Aurel Bacs, au marteau lors des plus importantes ventes aux enchères horlogères du globe. Le parcours de cette entreprise est un sans-faute. Rien n’est jamais venu entacher sa réputation de qualité, et ce depuis le début du XXe siècle. Elle est toujours restée fidèle à ses valeurs, respectueuse vis-à-vis de ses clients, et ce capital vaut des milliards aujourd’hui. »
“Rares sont les objets, comme les Rolex, profondément associésà l’émotion du luxe, qui ne soient pas exclusivement réservés aux milliardaires" AUREL BACS, COMMISSAIRE-PRISEUR
À contre-courant de la morosité ambiante, une vaste boutique entièrement dédiée aux montres de la marque à la
couronne vient justement d’ouvrir ses portes sur les Champs-Élysées, à Paris.
La première maison horlogère au monde sur la plus belle avenue du monde... « Il faut dire que Rolex est un cas vraiment unique dans sa catégorie, juge Aurel Bacs. Elle propose un produit d’excellence dans une gamme de prix qui n’a rien de stratosphérique : même si cela reste bien sûr une somme, vous pouvez acheter une pièce à 5 000 euros, telle la nouvelle série d’Oyster Perpetual aux cadrans colorés. C’est absolument fascinant comme la perception de l’exclusivité peut être maintenue malgré une production aux alentours d’un million de montres par an et une fourchette de prix encore atteignable. Rares sont les objets profondément associés à l’émotion du luxe qui ne soient pas exclusivement réservés aux milliardaires. » Suite logique, les ventes de Rolex ont encore battu des records en 2019, selon la banque américaine Morgan Stanley, qui estime son chiffre d’affaires à 4,83 milliards d’euros.
Parmi les secrets de son succès, le succès de ses secrets. Ainsi, ses quatre sites de production, tous en Suisse, œuvrent dans la discrétion la plus totale. Sait-on seulement qu’il faut un an pour y fabriquer une montre de A à Z, ce qui justifie l’attente pour parvenir à s’offrir les garde-temps les plus désirés du moment ? Mais le plus intrigant est le pouvoir de séduction intact de ses modèles cultes au fil des décennies. Leur force atemporelle est de proposer les fonctions clés d’une montre fiable, sans tomber dans la complication par plaisir. «Quand je pense à Rolex, je pense à la qualité, confie Aurel Bacs. Tous ses concurrents l’admirent pour ses créations, sa stratégie en termes d’innovation et de rapport qualité-prix. Bien sûr, Rolex n’a jamais réalisé un Tourbillon, une Répétition minutes ou une grande complication comme beaucoup d’autres le proposent. Je crois que c’est justement dans l’esprit du fondateur : ne pas chercher à faire plus compliqué, mais garantir le meilleur produit à une large clientèle internationale. »
C’est ainsi que la maison genevoise est restée fidèle à ses valeurs originelles. « Pour moi, le facteur clé de sa légende
réside dans la cohérence de ses créations, décrypte Frank Geelen, fondateur du site d’actualités horlogères Monochrome.com. La Submariner, lancée en août 2020, est au fond très proche des premières versions que la marque a introduites dans les années 1950. Il en va de même pour la Datejust, la Day-Date, la GMT-Master et l’Explorer. Les montres
signées Rolex connaissent une évolution, pas une révolution, en étant meilleures que jamais, techniquement et visuelle-
ment modernisées. »
« Produire des objets éternels »
Cet esprit de modernité permanente, Hans Wilsdorf l’a en fait cultivé dès l’invention de l’Oyster, la première montre-bracelet étanche, en 1926, alors présentée dans un aquarium. « Rolex a toujours été en avance en pro- posant des innovations utiles, comme une indication de la date changeant instantanément à minuit, un boîtier étanche et l’indication d’un jour et d’une date », rappelle Frank Geelen. La première montre-bracelet équipée d’un mouvement mécanique automatique, la Rolex Perpetual dévoilée en 1931, en est également la preuve, tout comme le demi-millier de brevets déposés par la marque.
« Alors que nous sommes dans une période de crise, les gens préfèrent acheter un bien à la durée de vie illimitée plutôt que dernier cri aujourd’hui et démodé demain. Or une Rolex est atemporelle, affirme Aurel Bacs. Les équipes de l’horloger ne veulent pas être dans l’air du
temps, mais produire des objets éternels. Comme c’est le cas d’une Porsche 911, d’un blazer bleu, d’un pull en cachemire de Loro Piana... » Ce qui explique les records que connaît la marque à la couronne dans les ventes aux enchères. Pour preuve, le Cosmograph Daytona personnel de l’acteur Paul Newman, adjugé 14,63 millions d’euros en 2017, décrochant le titre de montre-bracelet la plus
chère du monde. Qui dit éternité, dit service après-vente irréprochable. Il s’agit là d’une autre clé de la réputation de qualité et de durabilité des garde-temps Rolex.
Loin des délais de réparation à rallonge et des devis somptuaires, la plupart des modèles peuvent être entretenus localement, en quelques semaines et pour quelques centaines d’euros. « L’assurance d’avoir quelqu’un à qui parler pour réparer sa montre ou en acheter une
nouvelle donne confiance », juge Frank Geelen.
La marque exige en effet la présence d’un atelier et d’horlogers qualifiés dans chacune de ses boutiques, afin de pouvoir réviser sur place tous les modèles fabriqués ces trente dernières années, et même au-delà... « C’est extraordinaire, insiste Aurel Bacs, une marque de montres à laquelle, après des décennies, vous pouvez demander une remise à neuf, et ce, sans les délais et les coûts de certaines maisons de luxe. Il y a là de quoi rassurer un client qui n’achète pas un produit pour six mois, mais pour la vie. » D’autant plus qu’après une révision complète, une Rolex est de nouveau garantie deux ans.
LES DUBAIL, UNE SAGA FAMILIALE SUR LA RIVE DROITE
Nous sommes partis de rien », se rappelle Pierre Dubail, qui vient d’ouvrir
en famille, sur la plus belle avenue du monde, un vaste espace dédié à Rolex. L’histoire
d’amour des Dubail avec Paris débute en 1969, quand Pierre, sertisseur comme son père avant lui, crée avec AnneMarie, son épouse, un premier atelier et magasin de joaillerie dans le 9e arrondissement parisien. « Ensuite, nous nous sommes installés sur les Grands
Boulevards, puis nous avons ouvert une boutique multimarque boulevard des Capucines, en 1984, avant de racheter l’enseigne Léon, rue de Rivoli », résume-t-il. Au fil des ans, leurs enfants, Isabelle et Patrice, les ont rejoints dans l’aventure.
En 1993, ce qui est désormais devenu la maison Dubail inaugure une boutique au 21, place Vendôme. « J’en rêvais, ce n’était pas très raisonnable, mais l’occasion s’est présentée, et nous avons franchi le pas. Quand nous sommes arrivés place Vendôme, il n’y avait pas d’horloger, que des joailliers ! » En 2005, la boutique Dubail du boulevard des Capucines migre à son tour rue de la Paix.
Mais pourquoi s’arrêter là ? En 2008 « les Dubail », comme ils sont souvent surnommés, inaugurent 9, place Vendôme une seconde adresse, cette fois uniquement dédiée à Rolex, sur 500 mètres carrés et trois niveaux.
Toujours plus grand
Et les Champs-Élysées ? « En 2015, nous y avons ouvert une boutique multimarque, notamment avec Rolex, rappelle Isabelle Dubail. Elle a marché tout de suite. Sur les Champs, on trouve à la fois la belle clientèle parisienne, avec la
proximité de l’avenue Montaigne, des grands hôtels, et celle de passage. C’est vrai que nous avons eu du culot de nous implanter sur la plus belle avenue du monde, comme nous en avons eu à l’époque où nous nous sommes installés place Vendôme. Il fallait oser. » L’occasion
s’est présentée de voir encore plus grand. Désormais une boutique de plus de 300 mètres carrés, uniquement dédiés à Rolex, est ouverte sept jours sur sept au 71, avenue des Champs-Élysées. Une adresse de prestige pour s’offrir le garde-temps à la couronne de ses rêves, voire en graver le fond à son gré en quelques minutes. Mais aussi pour faire réviser sur place toutes les montres de la marque de ces trente dernières années, la boutique disposant d’un vaste atelier in situ et de plusieurs horlogers.
Les plus curieux se rendront au magasin mitoyen, également sous l’égide de la famille, où sont présentées les créations d’une quinzaine de manufactures horlogères, ainsi qu’une sélection de pièces de haute joaillerie.
« Ouvrir sur les Champs-Élysées, au moment du déconfinement, c’était l’opportunité unique d’envoyer un signal fort, souligne Isabelle Dubail. Nous arrivons avec une bonne nouvelle, et les clients nous disent : “Bravo, cette inauguration prouve que, même dans les moments difficiles, on peut faire de belles choses. Ce qui confirme que vous êtes une maison solide !” » Solide comme une famille.